jeudi 20 mars 2008

L'indécision (12)


Epilogue



Je vais dans ma chambre, m'affale sur le lit et regarde l'ampoule éteinte du plafond. C'est facile de concrétiser ses envies quand on sait tout et qu'on a tout sous la main. Enfin, c'est de ma faute aussi, minuit passé c'est pas une heure pour se foutre en l'air. J'y repenserai demain. Tous les jours c'est comme ça.
Alors perdu dans mes pensées j'aperçois soudainement la lumière. La voisine torride d'en face entre dans sa cuisine, nue, et se sert un verre d'eau. Mon coeur s'affole. Elle boit longuement, gorgée après gorgée. Puis elle éteint et je suis toujours allongé sur mon lit, mais cette fois la douleur a laissé place à de l'enivrement. Je m'endors quelque temps après en compagnie non pas comme chaque soir de la même chanson et des mêmes paroles et de la même détresse, mais cette fois de la voisine torride nue, de mon coeur emballé, de mon esprit ravi de ne pas être mort aujourd'hui encore.


But i'm fine






n.b. les paroles qui parsèment ce texte sont celles de la chanson Just A Thought de Cee-Lo, auteur et chanteur du groupe Gnarls Barkley.

lundi 17 mars 2008

L'indécision (11)


Choix numéro cinq



Je sors de la chambre et me dirige en direction de la cuisine. Je m'empare du dernier objet posé sur la table, un paquet de cigarettes à moitié entamé. Je l'ouvre et prends à contre-coeur une cigarette que je porte à ma bouche. Je sors une allumette de sa boîte si gentiment offerte par Paul et l'embrase. La petite flamme crépite. Elle vascille au gré de ma forte respiration. Je ferme les yeux et allume la cigarette. J'inspire un grand coup puis soupire, las de cette attente. À l'origine je devais acheter du poison. Rapide, efficace, sans douleur, ç'aurait répondu à mes attentes. Le problème c'est que je sais pas où en acheter. Je suis allé au supermarché et j'ai tout déballé à un vendeur. Que je voulais me procurer du poison infaillible afin de mourir rapidement et sans souffrir inutilement et cetera. Le vendeur a pas su me répondre. De retour chez moi j'ai donc cherché sur google « où acheter un poison efficace? ». Après une heure de recherches infructueuses j'ai abandonné l'idée. Je reste sur la cigarette. Quinze ans que je fume, quinze ans que j'attends ce foutu cancer qu'on m'a tant promis. Mais rien. Sur le paquet est écrit en gras Fumer tue, on peut pas le louper ça prend la moitié du paquet.
Alors j'attends. On verra bien.


And i've tried
Everything but suicide
But it's crossed my mind



samedi 15 mars 2008

L'indécision (10)


Choix numéro quatre



Je regarde le tiroir au-dessus de la poubelle et l'ouvre. J'empoigne le couteau à pain. J'ai aucune idée de la manière dont je dois m'y prendre. Me trancher la jugulaire ? Me le planter dans le coeur ? Dans la tempe ? Dans le dos ?
Dans le dos pourquoi pas, je déguiserais bien mon suicide en meurtre. C'est vrai quoi, quitte à me foutre en l'air, autant que je m'amuse, que j'y prenne du plaisir. Je fouille donc les tiroirs de la cuisine à la recherche d'un gros élastique. Je ne sais pas encore comme je compte faire ça mais je suis terriblement excité. Déguiser mon suicide en meurtre. Ce doit être la meilleure idée que j'ai eue depuis des lustres. Mais forcément, dès qu'on a besoin à l'improviste de quelque chose on le trouve pas. Je fouille dans les placards de tout l'appartement mais le seul objet digne d'intérêt est un chouchou rose oublié par une de mes ex. et j'ai pas envie qu'un chouchou rose me donne la mort. Il me reste ma fierté.


It's even dark in the daytime
It's not just good, it's great depression
When i was lost i even found myself
Looking in the gun's direction



vendredi 14 mars 2008

L'indécision (9)


Choix numéro trois



Je retourne à la cuisine et regarde la fenêtre.
Même pas la peine d'y penser, c'est pas en me viandant du douzième étage que je resterai présentable.


So i go all the way like i really really know
But the truth is i'm only guessing




mercredi 12 mars 2008

L'indécision (8)


Choix numéro deux



Je regarde la salle de bain. D'un côté j'aurais bien aimé le faire ici, dans la pièce où mon père s'est donné la mort, mais d'un autre côté ma salle de bain à moi contient également les chiottes. C'est déjà moins glamour, même pour un suicide.
Je retourne de nouveau au salon et m'assieds sur le seul fauteuil, mon revolver à la main. Ma pièce de collection devrais-je dire. Un Ruger GP100 à canon léger de 10,2 cm stainless finition bronzée calibre 357 Magnum capacité de six coups entre 900 et 1000 grammes, tout de même c'est pas rien. Mes économies pour la nouvelle playstation y sont passées mais je regrette vraiment pas l'achat. Je l'ai nettoyé de fond en comble toute la soirée d'hier, il est comme neuf à présent. Je me lève spontanément et pose mon nouvel objet de déco sur l'étagère, entre une coupe de tennis de table et un vase ancien. Je me recule. Ça le fait je trouve.


Life is a one-way street, ain't it ?
If you could paint it
I'd draw myself going in the right direction



dimanche 9 mars 2008

L'indécision (7)


Choix numéro deux



Je passe au salon mais envisage l'idée qu'une fraction de seconde vu quon vient de le refaire entièrement avec ma mère le mois dernier. La tapisserie sur les murs, la peinture au plafond, le lino, toute la pièce revit enfin. Si je fais ça ici ma mère va me détester, et j'ai pas envie qu'elle me déteste moi. Même mort, je veux être aimé. Ça me fait penser que je devrais mettre mes poèmes bien à l'évidence sur mon lit, on sait jamais.
En entrant dans la salle de bain je me regarde aussitôt dans le miroir de la pharmacie. Sans pour autant paraître prétentieux je me suis toujours trouvé pas mal. Des cheveux d'un noir intense, de magnifiques yeux verts, un sourire ravageur, bref une gueule d'ange me surnomme-t-on souvent. J'avoue que ça me fait mal au coeur d'abîmer ce si joli visage. J'aurais aimé être un minimum présentable une fois passé de l'autre côté. Et je sais pas qui va retrouver mon corps, peut-être que ce sera la voisine torride d'en face, alors il vaut mieux prévoir et rester désirable. Comme dans les films : même mort, rester sexy.



vendredi 7 mars 2008

L'indécision (6)


Choix numéro deux



Je regarde autour de moi pour trouver l'endroit parfait où je pourrai finir ma vie et enfin passer à autre chose. En m'approchant de la fenêtre je me dis que je ferai un très bon fantôme, j'ai toujours été transparent. Non, pas là, j'ai fait les carreaux il y a pas longtemps. Et la dernière image est importante, j'ai pas envie de crever en voyant le chien du voisin pisser encore sur ma caisse.
Je me dirige vers la chambre mais m'arrête sur le seuil. Rien que de m'imaginer le crâne explosé dans ma chambre me donne des frissons. C'est là où j'ai passé la moitié de mon temps. La plupart de mes bons souvenirs proviennent de cette pièce.
Premier émoi,
premier baiser,
première fois,
premier LSD.
J'ai toujours su que j'aurais pu devenir poète si j'étais pas passé si rapidement aux drogues dures.



mardi 4 mars 2008

L'indécision (5)


Choix numéro deux



Je regarde le flingue. Un Ruger GP100 à canon léger de 10,2 cm, stainless, finition bronzée, calibre 357 Magnum, capacité de six coups, entre 900 et 1000 grammes. Magnifique pièce. Et de très bonne qualité.
Je m'empare du mode d'emploi pour être sûr d'avoir rien oublié. Je parcours en diagonale chacune des pages que j'ai lues et relues pendant deux semaines. Je pourrais pratiquement le réciter par coeur. J'ouvre le barillet et observe les trois cartouches patiemment disposées une chambre sur deux. Je le fais tourner plusieurs fois avant de le refermer et pose le revolver sur ma tempe. J'imite sans bruit et au ralenti ma mort. Je suppose que si quelqu'un entrait j'aurais l'air salement ridicule. Mais bon, pour pas qu'il aille le répéter à tout le monde je le descendrais avant de me tirer une balle. Je ris à gorge déployée du grotesque de la scène.